Projet siège social d’ORANGE à Issy-les-Moulineaux (92) – Crédit photo : VIGUIER Architectes

Cet article présente une synthèse de l’expérimentation menée par l’équipe CFD de GANTHA au sujet des bienfaits de la végétation à l’intérieur d’un atrium.

Nos ingénieurs ont été confrontés à un challenge : évaluer l’effet d’un jardin intérieur sur le confort interne et sur la consommation d’énergie du bâtiment. Ce jardin serait aménagé dans un atrium en double hauteur, vitré en toiture.

Habituellement non pris en compte, nous avons mis au point un modèle CFD qui permet d’optimiser le confort tout en réduisant l’énergie nécessaire en caractérisant les effets thermo-hygrométriques de la transpiration végétale.

Jumeau numérique de l’atrium

Traditionnellement, le dimensionnement du système de ventilation dans un bâtiment est établi en prenant en compte uniquement la contribution énergétique de l’enveloppe extérieure et celles relatives à l’occupation des personnes. On fixe de manière forfaitaire une quantité d’énergie à apporter et un volume d’air à extraire en fonction de la température intérieure souhaitée dans l’atrium.

Or, compte tenu du projet d’atrium végétalisé proposé par l’architecte, il nous a semblé indispensable de caractériser les bénéfices apportés par la transpiration des végétaux intérieurs.

La CFD permet de mettre en place un jumeau numérique 3D du bâtiment en intégrant l’architecture du projet, les conditions de température, d’humidité, les flux de ventilation et les conditions environnementales (ensoleillement, etc.).

L’outils de simulation CFD constitue une aide précieuse dans l’étude de la végétation car il permet de modéliser avec précision les mécanismes de respiration et transpiration des plantes.

Représentation volumique du gradient de température – GANTHA

Les bienfaits de la végétation

De manière comparable aux espèces animales, les végétaux respirent et transpirent. Ces phénomènes sont étroitement liés aux conditions de vie de la plante intérieure.

À ce jour, la contribution au confort intérieur de la transpiration végétale dans un bâtiment est mal connue. Convaincus que les bienfaits dépassent la beauté naturelle de ces végétaux, notre équipe s’est passionnée pour le sujet !

À travers cette respiration naturelle, les végétaux rejettent du dioxygène en absorbant du dioxyde de carbone : c’est le principe de la photosynthèse. Les plantes apportent également de la fraicheur et sont très utilisées dans le traitement des îlots de chaleur urbains.

C’est l’une des raisons qui pousse les aménageurs à végétaliser davantage dans les villes.
C’est également l’un des bienfaits qui est aujourd’hui plébiscité par les architectes dans les atriums et les grands halls vitrés.

En plus de l’amélioration de la qualité de l’air, les jardins d’intérieur permettent d’ouvrir les espaces communs afin de les rendre plus agréables, plus lumineux et propices aux moments d’échanges et de détente. Ils apportent également une acoustique intérieure agréable et réduisant la sonorité dans ces grands volumes.

bâtiment végétalisé

À Singapour, le gratte-ciel végétalisé de Bjarke Ingels compte 80 000 plantes – Crédit photo : Bjarke Ingels Group: BIG 

La transpiration végétale

La transpiration foliaire d’un végétal dépend des conditions environnementales : humidité, vitesse de l’air et apports solaires.
Comme en témoigne la figure ci-dessous le dégagement de la vapeur d’eau issue de transpiration foliaire est particulièrement important – cela représente environ 30 % de l’apport en précipitations.

Définition évaporation foliaire : Les végétaux absorbent l’eau présente dans le sol grâce à leurs racines et restituent l’eau dans l’atmosphère, par l’intermédiaire de leurs feuilles, par un phénomène appelé transpiration. La vapeur d’eau s’évapore par les minuscules pores de l’épiderme des feuilles appelés stomates.

Il est possible de caractériser la transpiration foliaire en déterminant le débit de vapeur dégagé par l’ensemble du couvert végétal en fonction des conditions radiatives imposées (apports solaires principalement). Les calculs hydriques et thermiques permettent de quantifier l’apport énergétique issu de ce processus.

Fonctionnement des stomates

Fonctionnement des stomates Crédit : www.istockphoto.com

À l’aide du jumeau numérique CFD de l’atrium, nos ingénieurs ont étudié précisément les écoulements d’air dans le volume et y ont intégré les phénomènes physiques (écoulement autour des feuilles) et chimiques autour des végétaux.

Les équations qui régissent les concepts de ventilation forcée, de chauffage et d’écoulements naturels ont ensuite été affinées grâce à la modélisation itérative. Cette méthode offre une aide à la compréhension des enjeux et permet de calibrer certains des paramètres de calcul, en particulier ceux des concepts encore peu maitrisés comme la transpiration végétale par exemple.

Etude de l’influence du paramètre « terme source » sur l’écoulement de l’air et la répartition de la température dans des rangs de tomates sous serre – GANTHA

Dans un second temps, les calculs ont permis d’étudier les facteurs permettant de favoriser le mécanisme de transpiration, pour diminuer la consommation d’énergie des équipements de ventilation et de rafraichissement.

Expérimentation et mise en pratique

Notre équipe de R&D s’est appuyée sur un modèle expérimental traitant du comportement d’une plantation de tomates sous une serre. D’une composition proche de l’atrium, cette serre a été modélisée de manière à caractériser la transpiration foliaire en tenant compte des différents paramètres (géométries, conditions environnementales, écoulements, etc.).

Les données expérimentales ont permis de recaler avec précision le jumeau numérique de la serre végétalisée avec pour objectifs d’adapter les équations valables pour une feuille à l’échelle d’un jardin planté à l’intérieur d’un bâtiment.

Rassurés au terme de la première étape, nous validions avec succès que :

  • Le comportement d’une plante d’intérieur ayant accès à l’énergie solaire provoque un effet bénéfique sur l’ambiance thermique.
  • La densité végétale ne freine pas autant l’écoulement de l’air que ce que nous avions pressenti.
Vue 3D du modele

Vue 3D du modèle géométrique avec la végétation – Rendu 3D GANTHA

Enfin, nos résultats ont été confrontés au cas architectural concret du jardin d’intérieur dans un atrium desservant un bâtiment de bureaux.

Ce bâtiment présente un atrium vitré en partie haute qui dessert deux étages de bureaux et des espaces collaboratifs sont aménagés dans la végétation.

À l’aide de la méthode de calcul établie précédemment, les mêmes équations ont été appliquées sur une variante, à l’aide de plantation de bananier habituellement planté dans un atrium végétalisé.

Le jumeau numérique a permis de quantifier les apports hydriques issus de ces plantations d’intérieur, de qualifier leur impact sur le confort thermique et mettre en évidence les économies d’énergie potentielles grâce à cette configuration.

Au terme de six mois d’études intensives, voici nos conclusions :

  • Chaque espèce ne dégage pas la même quantité de vapeur d’eau par la transpiration.
  • La végétation tropicale – typiquement les bananiers – améliore la sensation de confort lors des journées chaudes et sèches.
  • Le dégagement de vapeur d’eau dans l’air permet, à sensation thermique équivalente, de diminuer l’usage des centrales de traitement d’air- pour un gain énergétique immédiat.

Grace à l’intégration des plantes en intérieur des larges espaces de bureaux, il est possible d’améliorer le confort thermique et hygrométrique dans des espaces largement vitrés. C’est une solution vertueuse qui répond aux enjeux climatiques et énergétiques actuels.

Un engagement à plus large échelle

Le groupe ARTELIA et ses filiales œuvrent dans le cadre de la transition énergétique et écologique. Il accompagne chaque porteur de projet dans une démarche de réduction de l’empreinte environnementale. En cohérence avec cet engagement, ARTELIA veille également à adopter une démarche responsable pour ses propres activités.

Fonctionnement des stomates

Un axe prépondérant dans cet engagement est de promouvoir l’écoconception, ce qui implique de fortes évolutions méthodologiques pour les ingénieurs du Groupe. Plusieurs groupes de travail, spécialistes de l’écoconception, réunissent 45 experts de la performance environnementale, performance énergétique et du confort des occupants. À travers la maitrise de toute la chaine, il nous semble naturel d’apporter à chaque client une analyse de performance globale de son investissement :

Notre équipe CFD est impatiente de vous accompagner dans l’étude de votre prochain projet qui deviendra peut-être notre prochain challenge !

Quelques-unes des publications scientifiques utilisées lors de cette étude :

B. MORILLE. Elaboration d’un modèle du climat distribué à l’échelle de l’abri et de la plante en cultures ornementales sous serres : analyse des transferts de masse et de chaleur, bilans énergétiques. HAL open science, 13 mars 2014

T. BOULARD, A. BAILLE, M. MERMIER, F. VILLETTE. Mesures et modélisation de la résistance stomatique foliaire et de la transpiration d’un couvert de tomates de serre. HAL open science, 1991, N°11, p 259 – 274