1.Introduction
La qualité de l’air que nous respirons est l’une des préoccupations contemporaines majeures. Elle touche aux domaines de la santé, du climat et de la préservation de la biodiversité et de notre environnement.
L’outil de modélisation en mécanique des fluides est un outil performant et complet pour anticiper, analyser et résoudre les problèmes complexes liés à la présence de particules fines dans l’air. Cette approche permet de d’étudier avec précision la dispersion des polluants, de concevoir des systèmes de ventilation efficaces et de créer des environnements intérieurs et extérieurs plus sains.
Dans cet article, nous explorerons en détail les avantages que présente la modélisation numérique CFD pour l’étude des particules fines dans l’air intérieur et extérieur.
2. Qualité de l’air : de quoi parle-t-on ?
La qualité de l’air fait référence à la pureté de l’air que nous respirons et à la présence de divers polluants atmosphériques. Lorsque la problématique concerne l’air à l’intérieur des bâtiments, on parle de Qualité de l’Air Intérieur (QAI) et à l’extérieur on parle de Qualité de l’Air Ambiant.
Les particules fines, également connues sous le nom de PM2.5 (particules en suspension de moins de 2,5 micromètres de diamètre), sont l’un des composants les plus préoccupants de la pollution de l’air. Elles sont si petites qu’elles peuvent pénétrer profondément dans les voies respiratoires, atteignant les poumons et même la circulation sanguine, entraînant des problèmes de santé potentiellement graves.
Ces particules proviennent d’un mélange de gaz et de poussières issues de la combustion, de microgouttelettes en suspension ou de matières biologiques comme les moisissures, les bactéries ou encore les pollens. L’activité humaine a une incidence considérable sur la concentration de particules fines, surtout dans les environnements urbains où le trafic routier et le chauffage sont responsable de plus de la moitié des émissions.
Dans le cadre de la gestion de la qualité de l’air, de nombreuses régions et villes ont mis en place des systèmes de mesures pour surveiller la qualité de l’air : on parle alors de monitoring.
L’indice de qualité de l’air (IQA) est un indicateur journalier simplifié destiné à informer les citoyens de la qualité de l’air qu’ils respirent en extérieur.
L’indice de qualité de l’air (IQA) est basé sur la mesure de :
- L’ozone (O3)
- Le dioxyde d’azote (NO2)
- Le dioxyde de soufre (SO2)
- Les particules PM10
- Les particules fines PM2,5
Grâce aux cartographies mise à jour quotidiennement, les habitants peuvent connaître l’état de la qualité de l’air près de chez eux et sa prévision pour le lendemain. En cas de pics de pollution aux particules fines, mieux vaut éviter les efforts intenses en extérieur.
3. Quels sont les effets de la météo ?
Le vent et les variations de température jouent un rôle prépondérant dans la dispersion des particules fines. En effet, un épisode de pollution est favorisé par la diffusion moléculaire (variation de densité de l’air) et par la diffusion turbulente (liée aux mécanismes de transport des polluants dans l’atmosphère). L’important différentiel de température entre les couches d’air génère un couvercle thermique empêchant les particules de se disperser dans l’atmosphère.
L’absence de vent accentue également le phénomène.
4. Comment réduire la concentration de particules fines ?
Il existe quelques mécanismes pour réguler les émissions de polluants dans l’air.
Les entreprises sont soumises à des contrôles de leurs rejets atmosphériques. En temps réel, les rejets sont surveillés et analysés et transmis aux organismes de contrôle. La liste des installations classées et les seuils auxquels elles sont soumises sont consultables sur le site Géorisque du ministère de l’Environnement et également par l’ANSES.
Pour les automobilistes, de plus en plus de Grandes villes ou Métropoles instaurent des Zones à Faibles Émissions. Ces zones permettent de réguler le trafic routier lors des pics de pollution à l’aide de vignettes Crit’Air. Les vignettes Crit’Air classent les véhicules en fonction de leur niveau de pollution et permettent aux autorités de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants dans les zones urbaines. Cela contribue ainsi à réduire les niveaux de particules fines et limite la dégradation de la qualité de l’air.
Cependant, malgré ces régulations, la sensibilisation à la qualité de l’air et les efforts pour réduire les émissions restent essentiels pour protéger la santé publique et préserver notre environnement.
5. Comment mesure-t-on la qualité de l’air ?
La qualité de l’air est mesurée en utilisant divers paramètres et techniques pour évaluer la présence de polluants atmosphériques et leurs concentrations. Voici quelques-unes des principales méthodes de mesure de la qualité de l’air :
Mesure des Gaz Atmosphériques :
Capteurs de gaz : Des capteurs spécifiques sont utilisés pour détecter des gaz particuliers tels que le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde d’azote (NO2), le monoxyde de carbone (CO), l’ozone (O3), etc. Ces capteurs peuvent être portables ou fixes.
Particules en Suspension (PM) :
Échantillonnage de particules : Des appareils d’échantillonnage collectent des échantillons d’air pour mesurer la concentration de particules fines (PM2.5) et de particules plus grosses (PM10).
Météorologie :
Mesures météorologiques : Les conditions météorologiques, comme la vitesse et la direction du vent, la température, l’humidité relative, la pression atmosphérique et les hauteurs de précipitation sont souvent enregistrées pour comprendre la dispersion des polluants.
Station de monitoring de la qualité de l’air sur les Boulevards à BORDEAUX (33) – ATMO nouvelle- Aquitaine © Radio France – Thomas Coignac
Analyse de la Qualité de l’Air Intérieur :
Des capteurs spéciaux peuvent être utilisés pour évaluer la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments, en mesurant la concentration de polluants comme le radon, le formaldéhyde, ou les allergènes.
A noter : La surveillance de la QAI ou Qualité d’Air Intérieur dans les Établissements Recevant du Public doit être mise en place obligatoirement selon le décret n°2022-1689 du 29 décembre 2022 : Sont déjà concernés : les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans, les lieux d’accueil de loisirs, les établissements d’enseignement.
A l’international, la certification WELL™ impose aux constructeurs des seuils de qualité de l’air intérieur visant à éliminer la majeure partie des contaminants.
L’ensemble de ces données est utilisé pour évaluer la qualité de l’air par rapport aux normes de qualité de l’air établies par les agences de régulation environnementale. Ces mesures aident à informer le public, à prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air et à élaborer des politiques visant à améliorer la qualité de l’air et à protéger la santé humaine et l’environnement.
Mesure de la qualité de l’air en intérieur, ©AdobeStock
6. La Modélisation en mécanique des Fluides et les Particules fines
La modélisation en mécanique des fluides s’appuie sur un ensemble d’équations mathématiques, notamment les équations de Navier-Stokes, pour décrire les comportements complexes des fluides, qu’ils soient gazeux ou liquides.
L’une des principales utilisations des outils de CFD est de prédire la dispersion des polluants atmosphériques, y compris des particules fines. En simulant les mouvements de l’air et en examinant les forces qui les influencent, les ingénieurs peuvent anticiper la répartition spatiale des contaminants, en particulier des particules fines.
Pour évaluer et optimiser la qualité de l’air, les ingénieurs modélisent en 3D le volume d’air. Le paramétrage du modèle s’accompagne de conditions aux limites spécifiques permettant la résolution dans le temps et dans l’espace de phénomènes physiques 3D.
Voici une description de cette méthode :
Modélisation en 3D du volume d’air : Cette étape implique la création d’un modèle en 3 dimensions représentant l’environnement ou l’espace d’étude où la qualité de l’air est analysée. Ce modèle prend en compte la géométrie de la zone, les bâtiments, les obstacles et tout autre élément ayant une incidence sur l’écoulement du flux d’air.
Paramétrage des données d’entrée : Les données d’entrée essentielles sont intégrées au modèle. Cela inclut les propriétés du fluide (telles que la viscosité et la densité de l’air), les conditions aux limites (comme la vitesse et la direction du vent), et les caractéristiques des sources de polluants potentielles (telles que les émissions d’une usine ou le trafic routier).
Régime stationnaire : La modélisation suppose la réalisation de nombreux cas météorologiques (étude sur une année météorologique) représentant les variations atmosphériques telles que la vitesse du vent, sa direction et la hauteur de couche limite. Certains scénarios nécessitent une approche stationnaire pour des études plus spécifiques de dispersion.
Visualisation des rejets lors d’un éternument – Etude post Covid-19 – Projet CIR GANTHA
Ajout d’une source : L’ajout d’une source de pollution, comme une cheminée d’usine ou un véhicule, est simulé dans le modèle. Les paramètres de la source, tels que le taux d’émission et le profil de dispersion, sont spécifiés pour évaluer comment les polluants sont dispersés dans l’air ambiant.
Analyse de la concentration avec les modèles CFD : Les modèles de volume finis (CFD) sont utilisés pour résoudre les équations de transport des polluants. Ces équations prennent en compte la diffusion, la convection et la réaction chimique des polluants dans l’air. Les simulations CFD permettent de calculer l’évolution de la concentration des polluants dans tout le volume d’air en fonction des conditions initiales et des sources spécifiées.
Cette méthode est particulièrement utile lors de la conception de systèmes de ventilation. Leur efficacité repose sur la mise en évidence des flux d’air dans le volume examiné (le local, l’usine, le quartier), notamment pour minimiser la stagnation des particules fines et d’autres polluants.
En modélisant les écoulements d’air à l’intérieur des bâtiments, il devient possible d’optimiser la distribution d’air frais et de minimiser la concentration de particules fines, créant ainsi des environnements intérieurs plus sains et plus confortables.
En simulant le fonctionnement de ces systèmes, les ingénieurs peuvent évaluer leur efficacité potentielle dans la filtration des particules fines, contribuant ainsi à l’élaboration de technologies de pointe pour la dépollution de l’air et la réduction des concentrations de particules fines dans l’environnement. C’est une application particulièrement efficace dans les salles blanches.
Dans d’autres cas, c’est la condensation de l’eau qui est surveillée, pour éviter l’apparition de condensats d’eau sur les parois d’un bâtiment ou d’éléments sensibles (par exemple une cuve de maturation d’alcool).
Dans la suite de cet article, nous explorerons un exemple concret illustrant comment la modélisation en mécanique des fluides est actuellement déployée avec succès pour résoudre des défis liés à la qualité de l’air.
7. Un exemple d’étude
L’étude suivante concerne la dispersion de polluants odorants d’un site de compostage classé ICPE. Les activités de compostages sont issues de processus aérobies de matières fermentescibles. Lors de cette fermentation, une transformation de matière organique en gaz s’opère par manque d’oxygénation et par une humidité élevée.
L’exploitant doit alors oxygéner ses tas de compost afin de réduire la concentration en gaz et obtenir un compost sain. Les odeurs du compost proviennent essentiellement d’une partie des gaz issus de la transformation, comme l’ammoniac (NH3) ou le sulfure d’hydrogène (H2S). Dans notre cas, l’exploitant dispose ces tas de compost à l’extérieur de son site. Les gaz odorants se dispersent au grès des vents et peuvent induire une gêne odorante au voisinage de l’exploitation.
Les rejets odeurs pour une ICPE sont sujets à une réglementation qui oblige l’exploitant à justifier que l’intensité de l’odeur au voisinage ne doit pas dépasser 1UO/m3 chez le riverain le plus proche et au percentile 98 (pour seulement 2% de l’année, le dépassement de ce seuil est autorisé).
Lors d’une telle étude, la méthodologie mise en œuvre est la suivante :
- Construction du modèle 3D du site.
- Recensement des sources odorantes (caractérisées par un organisme de contrôle).
- Etude des vents : Etude statistique des vents sur plusieurs années afin de déterminer l’année représentative du site. De cette année représentative, sont déduits les cas de vent à réaliser (environ 2920 cas, soit un toutes les 3h).
- Calcul et analyse des concentrations d’odeurs au percentile 98 à hauteur d’homme.
Conctruction du modèle 3D et de la rose des vents :
Modèle 3D d’un site de production – Rose des vents associée.
Cartographie des odeurs à 1,5 m du sol au percentile 98 :
Projection des données sur image satellite – Google Earth
Le percentile 98 des odeurs reste en dessous du seuil réglementaire de 1UO/m3 chez le riverain le plus proche. Cependant, soucieux de la gêne olfactive occasionné, l’exploitant a fait appel à un partenaire de solution de traitement de l’air.
Afin de limiter la gêne au voisinage, notre client a mis en place une solution de mesures en temps réel des niveaux d’odeurs et des conditions de vent. Les résultats de la simulation annuelle ont été transformés en base données et reliés au système de mesure météorologique. En fonction de la vitesse du vent, de sa direction et de la concentration d’odeur, l’exploitant connaît le rayon d’incidence de son activité. C’est un outil d’aide à la prise de décision pour limiter l’impact olfactif en fonction du stock composté et de l’activité sur le site.
La simulation CFD est outil à la fois préventif mais aussi prédictif, qui permet la mise en place de processus de traitement ou d’optimisation des conditions d’exploitation. Il permet de prendre en compte avec un niveau de précision fin les conditions du terrain, des conditions climatiques, de la surface au sol et peut s’adapter à des configurations complexes de rejet.
8. Conclusion
En conclusion, la modélisation en mécanique des fluides est un outil essentiel pour l’étude de la dispersion et de l’amélioration de la qualité de l’air.
En analysant la dispersion des polluants, la ventilation, et les systèmes de purification de l’air, cette approche calculatoire fournit des solutions précises aux défis environnementaux. La mise en place de Zones à Faible Émissions (ZFE), parmi d’autres mesures réglementaires, illustrent la prise de conscience grandissante de l’importance de contrôler les émissions polluantes.
Néanmoins, il est impératif d’accentuer nos efforts pour réduire les émissions de pollution dans l’atmosphère, car la santé humaine, le climat et la préservation de l’environnement en dépendent.
Le Groupe ARTELIA en a fait un de ses engagements premiers : réduire de 50 % l’empreinte carbone du Groupe par rapport à 2020 d’ici 2025.