Fondé en 1982 à Paris par l’ingénieur britannique Peter Rice, le designer Martin Francis et l’ architecte Ian Ritchie, le bureau d’étude RFR, concepteur de structures complexes et d’enveloppes sophistiquées, poursuit son activité au sein du groupe Artelia depuis 2015. Depuis 2018, RFR Structure et Enveloppe est une filiale d’Artelia.

Doté d’une solide expertise, RFR intervient lors de la conception d’un projet, pendant le suivi du chantier et jusqu’à la réception de l’ouvrage. L’entreprise, qui compte 23 salariés, encourage et développe les collaborations interdisciplinaires. Cette approche basée sur la proximité avec les architectes et la compréhension des sujets complexes, procure à RFR une expérience hors norme dans ces domaines et lui vaut des réalisations d’envergure parmi lesquelles on peut citer la pyramide du Louvre, la passerelle Simone de Beauvoir, le Musée de la Romanité à Nîmes ou encore le Tribunal de Grande instance de Paris.

Ses compétences, qui concilient techniques de construction et design architectural, s’étendent également à l’impact environnemental, à la performance énergétique et au confort des utilisateurs. C’est sur ce dernier point, cher à notre bureau d’étude acoustique, que Linda Russell, architecte et chef de projet chez RFR a accepté de répondre à nos questions.

Quels sont les enjeux de confort acoustique liés aux ouvrages de RFR ?

L’acoustique est un des enjeux de la ville dense qui a une composante importante sur les façades : la densification urbaine ne doit pas diminuer le confort fourni à ses habitants ; or les espaces résiduels sont souvent les plus contraints. Nous constatons ainsi que beaucoup de nos derniers projets sont à proximité d’infrastructures bruyantes, ou sont basés sur une mixité des programmes avec des aspects antinomiques du point de vue acoustique.

Par ailleurs, la volonté d’obtenir des bâtiments plus vertueux et légers en bilan carbone amène en façade des solutions plus légères et tend à limiter le recours aux façades multi-parois qui sont gourmandes en espace et en bilan carbone. La réalisation de façades performantes acoustiquement tout en restant légères, nécessite une plus grande précision dans des approches sur mesure.

Les éléments de confort acoustique sont principalement de deux sortes concernant les projets de RFR :

  • Tout d’abord le confort d’isolation phonique par la façade, qui consiste à assurer l’isolement vis-à-vis des bruits de l’espace extérieur. Des valeurs minimales réglementaires sont données sur la plupart projets, mais parfois ces valeurs sont plus contraignantes et nécessitent l’adaptation des choix architecturaux et la composition des façades. Cela vaut aussi pour les projets en verrière, où les bruits extérieurs sont à prendre en considération, comme le bruit de la pluie sur les vitrages ou les éléments de remplissage divers, qui peuvent perturber les occupants.
  • Le second aspect dont nous tenons compte relève de l’isolation entre les locaux, au niveau de la jonction entre la cloison et la façade, ou entre étages au niveau du nez de plancher. C’est une problématique récurrente dans nos projets. Il est nécessaire de prévoir des dispositifs d’atténuation, qui sont en général « épais » et pas toujours compatibles avec les menuiseries de façades très fines souhaitées par les architectes. Pour certains projets, nous sommes obligés d’élargir les montants de façade pour permettre cette isolation acoustique.

A quel moment la problématique acoustique intervient dans

un projet ?

Dès le départ, en phase de conception, car elle a de nombreuses conséquences sur les choix architecturaux et techniques de nos ouvrages. La prise en compte de la problématique acoustique modifie la géométrie, la structure, les matériaux utilisés,…

Comment faites vous pour concilier acoustique, thermique, aération ? Les solutions sont-elles compatibles à ces différentes problématiques ?

Les solutions sont adaptées à chaque nouveau projet.

Par exemple, sur le projet de l’école ENS sur le plateau de Saclay, la présence de 1500 clapets de ventilation naturelle a nécessité d’intégrer des pièges à son dans les conduits afin de réduire les transmissions. C’était un des enjeux forts du projet qui le rend unique dans sa conception.

Pour la majorité des projets, il s’agit a minima de choisir des vitrages qui répondent aux performances acoustiques. Ces performances acoustiques nous sont en général imposées par le maître d’ouvrage ou par le bureau d’études acoustique en charge du projet. Parfois, le recours à des vitrages dits « acoustiques » est nécessaire. Ce type de feuilleté avec un intercalaire acoustique permet d’améliorer la performance de la façade, sans en altérer l’aspect architectural.

L’utilisation de ces vitrages acoustiques nécessite une mise au point étroite entre le BET Façades et le consultant en acoustique sur les jonctions et périphéries de châssis. Cela principalement car la présence d’ouvrants et de jonctions dégrade généralement les performances.

Auriez-vous des exemples de projets qui présentent d’importants enjeux acoustiques ?

Deux projets me viennent à l’esprit. Il y a le projet VIEW, un immeuble pour lequel nous avons assuré les études de conception et le suivi des travaux de la façade.

Le projet présentait de très importantes contraintes acoustiques liées à la proximité du boulevard périphérique. Avec notamment un objectif de DnT,A,tr ≥ 41dB à atteindre en façade simple peau selon le programme. Nous avons réalisé de nombreux essais pour tester et atteindre les performances nécessaires sur la façade.

Une gamme de l’entreprise Schüco a dû être adaptée pour atteindre les performances. Habituellement les vitrages des châssis sont parclosés, mais il a été nécessaire de les coller. Le nombre de gâches des ouvrants a été augmenté pour garantir une compression maximale du joint en position fermée.

acoustique façade - projet view

Il y a également le projet de bureaux du Parc du Pont de Flandre situé dans le XIXème arrondissement, à côté de la gare de Rosa Parks le long des voies ferrées.

Afin de réduire les nuisances sonores liées à régénération acoustique des vibrations la proximité des rails, le bâtiment est posé sur des boîtes à ressort permettant de désolidariser la superstructure de la fondation.  L’acoustique des façades a été optimisée afin de permettre un affaiblissement de 33 dB pour les façades courantes côté opposée aux voies et de 40 dB RaTr pour les façades côté rails.

Les façades opaque en zinc sont composées de châssis en aluminium posés en tunnel. Le mur manteau bois est composé de 2 panneaux spécifiques en OSB pour répondre aux performances acoustiques, auquel s’ajoute un doublage intérieur avec 2 BA13 qui permettent d’assurer l’isolation acoustique vis-à-vis des bruits extérieurs.

Sur la façade entièrement vitrée, afin d’atteindre les performances de réduction de bruit vis-à-vis de l’espace extérieur, mais aussi entre étages, nous avons créé des caissons au niveau des nez de planchers. Ils sont composés de matériaux isolants et de traverses spéciales dédoublées avec traitement acoustique pour réduire la transmission entre les étages.

Enfin nous avons utilisé des vitrages spécifiques côtés voies (avec deux films PVB acoustique). La problématique acoustique a dû être traitée en parallèle de problématiques thermiques, car il existe une risque d’échauffement dans le vitrage lorsqu’il inclut deux films PVB.

acoustique façade RFR

RFR compte actuellement de très beaux projets à l’étude ou en cours de réalisation (LA SAMARITAINE, le bâtiment de l’École Normale Supérieure à Cachan, l’extension du Centre Commercial CAP 3000 à Nice, La rénovation de l’ascenseur Nord de la Tour Eiffel, la construction du nouveau siège de l’Oréal à Paris). Bien qu’elle intervienne majoritairement en France, RFR qui a réalisé jusqu’à 50% de son chiffre d’affaires à l’international, prévoit de développer de nouveaux projets à l’étranger.

Le mot de l’acousticien

On fait le point sur l’acoustique des façades avec Christopher Blackford, responsable de notre bureau d’étude à Bordeaux.

“La façade du bâtiment doit garantir une isolation acoustique vis-à-vis du bruit des infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires. Les axes de transports sont classés par catégorie d’agressivité en fonction de la densité de trafic – 1 étant la plus bruyante à 5 la plus calme.

L’isolement minimum pour les logements, établissements d’enseignement, établissements de santé et hôtels est fixé à 30 dB en DnT,A,tr. Cette valeur doit être renforcée en présence d’axes bruyants, en fonction de la distance à la voie, l’exposition des façades et la présence de protections phoniques.

Pour obtenir un avis favorable de la part des bureaux de contrôle, tout architecte doit tenir compte de ces contraintes dans la définition des châssis vitrés, des entrées d’air, du coffre de volets roulants et des murs.

Attention également aux transmissions dites « parasites », des bruits entre locaux, par les parties légères et vides composant les montants de la façade. Enfin dans certains cas pathologiques rares, le vent peut mettre en vibration certains éléments légers et élancés de type brise soleil.”