Par Bertrand GAZANION
Ingénieur Projets GANTHA
b.gazanion@gantha.com

Le stockage de liquides dans de grands réservoirs en extérieur est courant dans des industries comme celles de la chimie, la pétrochimie ou la papeterie. Les volumes stockés sur de tels sites sont importants et des réservoirs contenant plus de 1000 m3 de liquide sont chose courante.

Une zone d’implantation de réservoirs est généralement entourée par un mur de rétention qui sert à retenir le liquide en cas de fuite. Le vieillissement de ces réservoirs peut les fragiliser et provoquer leur rupture. L’effet de la corrosion par le liquide ou l’humidité ambiante cumulée sur plusieurs décennies peut provoquer un déchirement du réservoir.

En cas de rupture accidentelle, le liquide sort à grande vitesse par la brèche et se déverse dans l’enceinte de rétention. Ce déversement peut conduire successivement à trois phénomènes :

  • Impact sur le mur de rétention : la vague, c’est à dire le front de liquide, heurte le mur de rétention. Elle exerce un effort mécanique important sur le mur, qui est dû d’une part à la pression dans le liquide (effet statique) et d’autre part à l’énergie cinétique du liquide (effet dynamique).
  • Surverse : la vague passe par-dessus le mur de rétention grâce à son inertie. L’existence de cette situation dépend de la hauteur et la forme du mur de rétention et de la vitesse à laquelle le liquide sort du réservoir.
  • Epandage : le liquide qui est sorti de la rétention, se répand à l’extérieur, en formant une nappe au sol. Si le site industriel n’est pas équipé pour limiter l’épandage, la nappe de liquide peut couvrir une grande surface et même sortir des limites du site.

Représentation schématique d’une fuite de réservoir

La réglementation

Les réservoirs industriels et leurs rétentions sont soumis à de contraintes règlementaires. Les textes ci-dessous imposent notamment des contrôles en cas d’extensions ou de modifications d’installations.

  • Arrêté du 3 octobre 2010 sur le stockage de liquides inflammables. Cet arrêté précise la capacité de l’enceinte de rétention, sa résistance à la pression statique exercée par le liquide, la résistance de son matériau à l’action chimique du liquide. Il précise également que les nouvelles rétentions doivent résister à une pression dynamique tenant compte des caractéristiques de l’implantation. Cette pression dynamique peut être déterminée par le calcul.
  • Circulaire du 10 mai 2010 sur les règles méthodologiques des études de dangers. Elle fixe notamment les scénarios de rupture de réservoir à considérer pour étudier l’effet de vague. De plus, elle fixe un cadre d’évaluation des installations existantes sur plusieurs critères : tenue mécanique de la rétention, absence de surverse dans le cas d’une rupture robe/fond, et confinement supplémentaire en cas de surverse.

En plus de ces réglementations, des groupements d’industriels de secteurs ont mis en place des guides de préconisations pour éviter ces accidents. Par exemple, le GESIP (Groupe d’Etude de Sécurité des Industries Pétrolières et Chimiques) a publié en 2011 un guide sur les liquides inflammables.

La simulation numérique 3D

GANTHA utilise la simulation numérique 3D pour déterminer les conséquences d’une rupture de réservoir. Cette méthode consiste à reproduire virtuellement une partie du site et à calculer à chaque instant le mouvement du liquide. Pour être plus précis, la simulation consiste à résoudre à chaque instant et en chaque point du domaine étudié les équations des phénomènes physiques suivants : gravité, frottement sur le sol, dissipation d’énergie par viscosité, contact avec le mur, etc…

La simulation permet de connaître en 3D et à chaque instant les caractéristiques du liquide. Pour les gestionnaires des sites, les résultats les plus intéressants sont la pression exercée sur le mur et sur le sol, la surface de liquide au sol sur le site et la quantité de liquide déversée en dehors du site.

Détaillons maintenant les étapes d’une étude par simulation 3D.

1. Le modèle 3D

Le modèle 3D englobe le réservoir dont la rupture est étudiée, ainsi que la rétention, le terrain et les bâtiments aux alentours. Des détails comme le socle du réservoir et la topographie de la zone sont pris en compte.

2. Le maillage

Le domaine étudié est découpé en éléments géométriques simples, par exemple des cubes et des pyramides. La taille de ces éléments détermine la finesse et la précision de la simulation.

3. La physique

Les caractéristiques physiques de chaque élément du domaine sont pris en compte. Il s’agit par exemple de la masse volumique et de la viscosité du liquide stocké dans le réservoir, ou de la rugosité du sol.

4. Le calcul

Le logiciel de simulation résout les équations de la mécanique des fluides, appelées équations de Navier-Stockes. Ces équations permettent de déterminer le mouvement du liquide et de l’air en prenant en compte notamment la gravité, le frottement sur le sol, les interactions entre l’air et le liquide et la dissipation d’énergie. Ces équations sont résolues pour chaque point du domaine d’étude et à chaque instant.

5. L’analyse

Les résultats de la simulation sont traités pour mettre en évidence le mouvement de la vague sortant du réservoir et la surpression exercée par le liquide sur le mur. En effet, dans les premiers instants de la fuite, le liquide sort du réservoir avec une grande vitesse, à cause de la pression au fond du réservoir. La vague qui s’écrase sur le mur de la rétention exerce une force importante sur le mur.

Une vidéo a été réalisée pour illustrer ces phénomènes. Elle montre la rupture du bac, la vague impactant le mur puis passant par-dessus, et l’épandage autour du site.

Le dimensionnement

Le travail réalisé par GANTHA à l’aide de la simulation numérique ne se limite pas à mettre en lumière les problèmes.
Avec ces outils, les spécialistes de GANTHA peuvent déterminer des solutions concrètes pour empêcher qu’en cas d’accident le liquide ne sorte de l’enceinte de la rétention. Par exemple dans le cas d’une solution consistant à rehausser le mur, la simulation est utilisée pour déterminer la hauteur et la forme nécessaires pour remplir les objectifs fixés. De plus, le champ de surpression est fourni au bureau d’étude de génie civil, ce qui permet un dimensionnement adapté au risque.